Jean-Joseph-Marie Carriès (1855-1894) est un sculpteur et céramiste français. Orphelin en 1861, à l'âge de 6 ans, il effectue ensuite son apprentissage de modeleur estampeur chez un sculpteur d’objets religieux, Pierre Vermare à partir de 1868, et étudie parallèlement, lorsque l'occasion se présente, à l'École des beaux-arts de Lyon, sur les conseils de son maître. Il y révèle rapidement sa personnalité et découvre l’art gothique dans les musées et églises. Il quitte l'atelier de Vermare au bout de deux ans et travaille seul jusqu'à la fin de l'année 1873. Carriès part s'installer à Paris en 1874 où il devient temporairement l'élève d'Auguste Dumont et reçoit des conseils de la part d'Alexandre Falguière et d'Henri Lehmann. Il échoue au concours d'admission à l'École des beaux-arts de Paris et travaille donc seul, selon sa propre inspiration. Carriès rencontre à Paris son compatriote Jean-Alexandre Pézieux qui vient à Paris la même année pour entrer aux Beaux-Arts. Celui-ci aide Carriès sans fortune personnelle en lui donnant quelques conseils et en partageant avec lui une part de la bourse que lui versait la ville de Lyon. Ne voulant pas rester à la charge de Pézieux qui n'était déjà pas très fortuné, il le quitte et erre dans les rues de Paris.
Durant les années 1875-1888, Jean-Joseph-Marie Carriès est avant tout reconnu pour ses portraits et vit de ce type de commandes, ce qui ne l'empêche pas d'expérimenter des formes assez audacieuses et directement issues de son imaginaire. Sa première participation à un salon date de 1875. Les premiers bustes qu'il expose sont extrêmement détaillés dans leur facture et il est accusé d'avoir en réalité fait des moulages sur nature, comme cela est reproché à Rodin. En 1877 il s'engage dans un régiment d'infanterie, mais il obtient l'autorisation de continuer à modeler ainsi qu'un congé qui lui permet de regagner Paris jusqu'à sa libération. Il est très remarqué au Salon de 1881, qui est le salon qui le fait connaître et où, il expose la théâtrale Tête décapitée de Charles Ier pour lequel il obtient la mention honorable. En 1882, il expose ses bustes des Déshérités en plâtre, enrichis de patines savantes, représentant des marginaux et des pauvres et mêlant naturalisme et symbolisme au Cercle des Arts libéraux. Cette série est complétée par d’autres bustes très personnalisés en plâtre, cire et finalement en bronze, de membres de la famille, de figures religieuses et de bébés étranges et dérangeants. Au Salon de 1883, il expose L’Évêque qui connaît également un succès et obtient la mention honorable. Ce buste ainsi que celui de Charles Ier sont fondus en bronze et acquis par l'État en 1889. Il réalise d'autres bustes dans la période allant jusqu'à 1888 comme ceux de Jules Breton, Vacquerie, Loyse Labbé, Franz Hals, Mme Hals ou Femme de Hollande, Vélasquez, La Religieuse, L'Infante ou encore Le Guerrier. Les bustes de Carriès sont édités dans l'atelier de Pierre Bingen, l'un des premiers à pratiquer la cire perdue à Paris, ce qui donnait à ses œuvres une patine particulière.
L’intérêt de Carriès pour le grès émaillé et les céramiques date de l’Exposition universelle de 1878, à Paris, où il voit des exemples d’œuvres japonaises réalisées dans cette matière. Il est encouragé dans cette démarche par Paul Gauguin, à qui il est présenté pendant l’hiver de 1886-1887 par Ernest Chaplet dans l’atelier de céramique de ce dernier. En 1888, fuyant le Salon officiel, Carriès expose ses œuvres dans l'hôtel particulier parisien de ses mécènes Paul et Aline Ménard-Dorian et rencontre un véritable succès lui permettant de réaliser son rêve de faire des œuvres en grès.
À l’automne 1888, Carriès a gagné une indépendance financière suffisante pour lui permettre de se consacrer essentiellement à perfectionner le procédé complexe de cuisson de la poterie en grès émaillé : « ce mâle de la porcelaine » comme il l’appelle. L’artiste installe un atelier à Saint-Amand-en-Puisaye, cité connue pour son argile et ses potiers. Fermement engagé lui-même dans son rôle d’artiste-artisan, Carriès crée des glaçures dans de subtiles variations de brun, de beige et de crème et applique ces effets de couleurs à de nombreuses versions de ses anciens portraits en céramiques et à un répertoire toujours plus important d'animaux et de masques fantastiques inspirés par la sculpture gothique et l’art japonais. C’est à travers ces deux dernières influences que l’extrême réalisme de Carriès mène à la distorsion, à la caricature et finalement au grotesque. Inspiré par le symbolisme, il recourt de plus en plus au motif de la « tête coupée ». En 1889, il organise sa première exposition de grès dans son atelier à Paris, le Tout-Paris cultivé s'y rend.
Vers 1890, la princesse Louis de Scey-Montbéliard, future princesse Edmond de Polignac, lui commande, à partir d'un dessin d'Eugène Grasset, ami de l'artiste, une porte monumentale destinée à aménager une pièce de son nouvel hôtel particulier parisien de la rue Cortambert où doit être conservé le manuscrit de Parsifal de Richard Wagner, qu’elle projette d’acquérir. Conçu en grès émaillé, le modèle ne pèse pas moins de vingt-deux tonnes et doit comporter 600 carreaux de grès émaillé. Ce porche aurait aussi dû mesurer 6 m de haut et aurait ainsi séparé la pièce dédiée au manuscrit du hall dans lequel elle recevait des mélomanes et organisait des concerts privés. Cet écrasant travail use les forces de Carriès et reste inachevé. En 1892, Carriès expose 130 pièces, dont certaines tirées de la Porte de Parsifal au Salon de la Société nationale des beaux-arts et s'attire les éloges, ce qui lui vaut d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur. Pendant plus de trente ans le plâtre original, grandeur nature, de La Porte de Parsifal fut exposé à Paris au Petit Palais, à l’entrée d’une pièce dédiée à l’œuvre de Carriès. En 1934, à cause d’une décision de Raymond Escholier, alors directeur du musée, le modèle fut démonté puis détruit en 1950 et la salle consacrée à Carriès démantelée.