Théodore Deck (1823-1891) est un céramiste français né à Guebwiller en Alsace. Il se passionne pour la chimie et les sciences physiques. En 1841, il entre comme apprenti chez le maître poêlier Hügelin père, à Strasbourg. En deux ans, il prend connaissance des méthodes héritées du XVIe siècle, comme l’incrustation de pâtes colorées à la manière de Saint-Porchaire. Cet apprentissage ne l’empêche pas d’occuper son temps libre à dessiner ou à modeler la glaise dans l’atelier du sculpteur André Friederich. Échappant au service militaire, il effectue un tour d’Allemagne comme il est de tradition chez les compagnons poêliers-faïenciers alsaciens. La qualité de son travail lui permet d’obtenir d’importantes commandes en Autriche pour les châteaux des provinces et les palais impériaux, notamment pour le palais de Schönbrunn. Il poursuit sa route en Hongrie à Pest, à Prague, puis, remontant vers le nord par Dresde, Leipzig, Berlin et Hambourg. Fort de son apprentissage, il arrive à Paris en 1847. Recommandé par Hügelin, il se présente à la fabrique de poêles du potier bavarois Vogt, située rue de la Roquette. La Révolution de 1848 interrompt la production et Deck décide de retourner dans sa ville natale. Sa famille lui conseille alors de monter un petit atelier de terres cuites : il y réalise quelques bustes, des statuettes, des vases, des lampes et des copies d’antiques célèbres. Conscient que cette situation ne lui permettrait pas de subvenir correctement à ses besoins, il revient à Paris en 1851 où il est employé par la veuve Dumas, fille du faïencier Vogt pour lequel il avait travaillé. Embauché comme contremaître, il fournit les dessins et modèles aux ouvriers, tout en travaillant lui-même la terre. La fabrique remporte une première médaille à l’Exposition universelle de 1855.
L’année suivante, il prend la décision de s’établir non loin de son ancien employeur au 20, rue de la Fontaine-au-Roi, utilisant probablement ses fours. Son frère, Xavier Deck, le rejoint. C’est officiellement en 1858 que les frères Deck créent leur entreprise et s’installent à Paris au 46, boulevard Saint-Jacques. Dans un premier temps, les frères ne réalisent que des revêtements de poêles. Mais l’affaire marche si bien qu’à peine un an après leur installation ils souhaitent diversifier leur production et se lancer dans la céramique pour le revêtement des bâtiments ainsi que dans les pièces de forme. Deck s’intéresse à la politique. En 1870, il opte pour la nationalité française. Sympathisant du Parti radical, il est élu adjoint au maire dans le 15e arrondissement de Paris.
En 1861, au Salon des arts et industries de Paris qui se tient sur les Champs-Élysées, Théodore Deck expose pour la première fois ses réalisations : il s’agit de pièces à décor d’incrustation dit « Henri II » et d’autres pièces recouvertes d’un émail bleu turquoise ou d’un décor dans le style des céramiques d’Iznik. S’il remporte une médaille d’argent, les critiques sont toutefois mitigées. L’année suivante, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1862 à Londres, il conquiert la clientèle anglaise. Il surprend en présentant comme l’année précédente son Vase de l’Alhambra de dimensions exceptionnelles (1,36 m de hauteur et 2,25 m de circonférence) qui est acheté par le South Kensington Museum quelques années plus tard. À cette même exposition on remarque toutefois les nombreuses craquelures de sa glaçure et sa mauvaise adhérence à la pâte. À l’Exposition des arts industriels de 1864, Deck parvient à présenter des pièces recouvertes d’émaux transparents non craquelés.
Théodore Deck expliquera la fabrication et les qualités de ces émaux transparents lorsqu’il publiera en 1887 son traité La faïence. Un an après, il réalise les premiers essais de reliefs sous émaux transparents. Il n’abandonnera jamais cette technique qui sera d’ailleurs reprise par nombre de grandes manufactures. En s’inspirant jusqu’au pastiche de la céramique islamique, égyptienne, chinoise, japonaise ou des majoliques, il fait évoluer des personnages, oiseaux, fleurs, ornements en tous genres sous une glaçure turquoise, verte, jaune ou manganèse. C’est surtout un bleu caractéristique que le public retient de cette technique : une nuance turquoise éclatante qu’il adopte aussitôt sous le nom de Bleu de Deck ou Bleu Deck. Théodore Deck enchaîne les innovations. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, la fabrique reçoit une médaille d’argent grâce, entre autres, aux reflets métalliques qu’il obtient sur certaines pièces. Si ces expositions deviennent le moteur de ces avancées techniques, elles n’en représentent pas moins de lourdes dépenses. En 1869, Théodore Deck ouvre un magasin de vente rue Halévy dans le quartier parisien de l’Opéra, dont la direction est assurée par sa sœur. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1873 à Vienne, il présente une jardinière spectaculaire de deux mètres de large, adossée à un panneau de près de quatre mètres de haut. L’ensemble, conservé à Genève au musée Ariana, a été réalisé sur les dessins d’Émile-Auguste Reiber.
Théodore Deck est nommé en 1875 à tête de la commission de perfectionnement de la Manufacture de Sèvres. Dès leur installation, les frères Deck réunissent chez eux leurs amis artistes et mettent en place un principe de collaboration. Suivant ce principe, Deck réalise des plats, des carreaux ou des plaques (très rarement des vases) qu’il donne à peindre à des artistes qui ont pour beaucoup déjà fait leurs preuves au Salon. Les gains de vente sont divisés en deux parts équitables. Deck forme aussi des apprentis qui feront à leur tour école. Le plus célèbre d’entre eux, Edmond Lachenal, poursuivra l’œuvre du grand céramiste en développant son art dans l’esprit de l’Art nouveau. Auteur d’un traité magistral sur la faïence, il devient en 1887 – reconnaissance suprême – directeur de la Manufacture nationale de Sèvres et laisse à son frère Xavier, ainsi qu’à son neveu Richard, la direction de leur entreprise. Il y réalisera des porcelaines tendres et en améliorant la technique de fabrication, parviendra à leur donner des dimensions grandioses, les recouvrant de ses glaçures céladon et son bleu turquoise. Théodore Deck repose depuis 1891 à Paris au cimetière Montparnasse. C’est son ami Auguste Bartholdi qui réalisa son monument funéraire sur lequel est gravé la phrase : « Il arracha le feu au ciel ». Les ateliers Deck fermeront quelques années après sa mort.
Albert Anker (1831-1910) est un illustrateur et peintre suisse. On l'appelle souvent le "peintre national" de la Suisse en raison de ses représentations populaires de la vie rurale de son pays au XIXe siècle. Après ses études à Neuchâtel puis à Berne, Anker se rend à Paris, pour étudier dans l'atelier du peintre suisse Charles Gleyre. Entre 1855 et 1860, Anker suit les cours de l'École nationale supérieure des beaux-arts, puis installe un studio dans la maison de ses parents et participe régulièrement à des expositions en Suisse et à Paris.
En 1866, Albert Anker commence à faire des maquettes pour le céramiste Théodore Deck ; au fil des ans, il va réaliser plus de 300 dessins pour des faïences. La même année, il reçoit la médaille d'or du Salon de Paris.
Anker voyage beaucoup, il se rend à Bruxelles, Anvers, Gand, Lille, puis part pour l'Italie. Dans la peinture européenne du XIXe siècle, Anker est l'un des plus importants peintres de représentations enfantines. Il a peint environ 600 huiles, dont plus de 250 tableaux d'enfants, seuls ou en groupe, restituant le charme simple et attachant d'un regard juvénile.