François-Rupert Carabin (1862-1932) est un sculpteur, médailleur, orfèvre, ébéniste et photographe originaire d'Alsace. Carabin émigre à Paris avec ses parents à la suite de la Guerre franco-allemande de 1870. Il ne reviendra pas en Alsace avant de prendre le poste de directeur de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg en 1920 : sa formation d’artiste a donc été une formation uniquement parisienne. Cette formation débute par un apprentissage chez Jouanin, un graveur de camées, de 1878 à 1882, puis, ce métier tombant peu à peu en désuétude, Carabin travaille comme sculpteur au faubourg Saint-Antoine. Il suit également des cours du soir de dessin chez Perrin. Entre 1883 et 1885, il fréquente les salles de dissection de la faculté de médecine pour étudier l'anatomie. Il y rencontre un mouleur de masques mortuaires, Jules Talrich, ce qui le poussera pendant un temps à exercer ce métier pour obtenir une source de revenus supplémentaires. Carabin fréquente les cabarets et cafés de Montmartre (Le Chat noir, La nouvelle Athènes…) et collabore avec Henri de Toulouse-Lautrec entre 1892 et 1894 à la réalisation d’œuvres ayant pour thème les maisons closes. Les années 1910 voient Carabin couvert de succès, mais avec la Première Guerre mondiale, les commandes se raréfient. En 1916, il a une violente hémorragie qui semble le diminuer sensiblement. Malgré tout, afin de faire vivre sa famille, il entre comme publicitaire chez Dunlop en 1916. Le personnage garde son inspiration érotique puisqu'en 1919 il expose au Salon de la Société nationale des beaux-arts un coffret ayant pour thème les amours saphiques, intitulé Regard chaste, laisse-moi clos.
Après la guerre, et avec le retour de l'Alsace à la France, François-Rupert Carabin revient à Strasbourg et occupe le poste de directeur de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg de 1920 jusqu'à sa mort en 1932. Durant ces treize années, il se consacre semble-t-il presque exclusivement à l'enseignement. Sa production artistique s’est considérablement tarie durant les années 1920 : il semble qu’il ait délaissé la sculpture sur bois et les pièces de mobilier qui avaient fait sa renommée pour réaliser quelques statuettes en cire, dans la lignée de la série des Loïe Fuller, comme La Joueuse à la raquette ou La Lanceuse de javelot. On ne lui connaît guère que deux œuvres monumentales à partir de 1920, le Monument aux morts de Saverne et celui de Lutzelbourg.
Son expérience de sculpteur sur bois l'ayant sensibilisé aux problèmes de la production en série de meubles copiant les styles anciens, Carabin annonce tôt son souhait de « faire le meuble unique, adapté à nos besoins, occuper la place définitive pour laquelle il serait conçu et comme ornementation que des sujets adaptés à sa destination ». Les préoccupations de Carabin sont en phase avec le mouvement de renouveau des arts décoratifs de la fin du XIXe siècle, qui cherche à créer un nouveau style pour en finir avec le pastiche des styles anciens. Dans la lignée des rénovateurs des arts décoratifs, Carabin ne se cantonne pas au mobilier et explore d’autres formes d’art, comme la sculpture de statuettes de bronze, avec la série des Loïe Fuller, et même la céramique. Sa tâche n’est pas aisée : le groupe des Indépendants, dont Carabin était pourtant un des fondateurs, refuse d’exposer la bibliothèque réalisée pour Montandon, au motif que « l'année suivante on pourrait envoyer des pots de chambre ! ». L’année 1891 voit les arts décoratifs admis à exposer au Salon des beaux-arts, ce qui permet à Carabin de présenter sa bibliothèque. Dans les années 1890, Carabin fait partie du groupe d’artiste, dénommé initialement Les Cinq (puis Société des Six), qui se transforme en 1898 en un mouvement artistique, L'Art dans Tout, avec l’apport de Tony Selmersheim, Henri Sauvage, Étienne Moreau-Nélaton, Jules Desbois, Paul Follot et René Guilleré. À partir de 1893, il expose chaque année au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles et commence à acquérir une certaine reconnaissance officielle : la même année, il obtient les palmes académiques, suivie par la Légion d'honneur en 1903. Tout au long de son parcours, Carabin a réfléchi à la question des arts décoratifs, de leur enseignement, des moyens pour assurer leur renouvellement en France. Il critique ouvertement la division entre le « grand art » et les arts décoratifs, relégués au rang de l’art industriel lors des expositions.